(Mots d’introduction)
Je voudrais vous parler aujourd’hui de la guerre en Ukraine, et ce que devrait être la position du Canada à cet égard.
D'entrée de jeu, permettez-moi d'exprimer ma plus profonde sympathie pour les hommes, femmes et enfants ukrainiens et russes innocents pris au milieu de ce terrible conflit qui aurait pu et dû être évité.
On dit qu'environ cent mille soldats ont été tués des deux côtés, un nombre qui continuera malheureusement très probablement à augmenter.
Comme pour les guerres du passé, les justifications et les motivations sont innombrables, mais les résultats sont néanmoins tragiques.
Ce que je voudrais expliquer aujourd'hui, c'est le contexte géopolitique plus large dans lequel cette guerre se déroule. Même si un pays, la Russie, a clairement envahi un autre pays, l'Ukraine, la situation est plus complexe que de simplement affirmer que « les Russes sont les méchants et les Ukrainiens sont les bons ». C'est une perspective que le grand public parvient difficilement à comprendre, en grande partie à cause de la couverture biaisée et malhonnête des médias traditionnels.
Mais quelle que soit votre opinion sur les bons et les méchants, je crois que le Canada n'aurait pas dû s'impliquer dans cette guerre. Nous aurions dû rester neutres et travailler avec nos alliés pour aider à établir un processus de paix.
C'est ce que je dis depuis le début du conflit. Au contraire, comme vous le savez tous, le gouvernement de Justin Trudeau, avec l'appui du NPD et des conservateurs de Pierre Poilievre, a envoyé des armes et de l'aide d'une valeur d'environ 4 milliards de dollars au régime de Zelensky.
Il y a quelques raisons fondamentales pour lesquelles nous n'aurions jamais dû être impliqués.
Premièrement, l'Ukraine n'est pas membre de l'OTAN. Nous n'avons pas la responsabilité de la défendre. Il y a des dizaines de conflits qui se déroulent dans le monde à tout moment. Posez-vous la question : « Pourquoi n'entendons-nous jamais parler de ces conflits dans les médias traditionnels? Pourquoi l'establishment politique mondialiste est-il si déterminé à intensifier le conflit en Ukraine? »
Nous n'avons aucune responsabilité d'intervenir dans des conflits étrangers impliquant des pays qui ne font pas partie d'une alliance avec nous, et où nous n'avons aucun intérêt fondamental. Notre première responsabilité est de défendre le Canada, d'assurer notre sécurité et de protéger les intérêts canadiens. C'est tout.
Nous ne pouvons pas résoudre les problèmes du monde entier. Nous devons d'abord résoudre nos problèmes, et utiliser nos ressources limitées pour prendre soin de nos propres citoyens en premier lieu.
Et franchement, quelle différence cela fait-il pour nous que le gouvernement ukrainien corrompu, ou le gouvernement russe corrompu, contrôle le Donbass et la Crimée? Aucune différence du tout. Ces régions ont été sous diverses juridictions au cours des dernières décennies et des derniers siècles.
Certaines personnes disent que Poutine est le nouvel Hitler, et que si nous ne l'arrêtons pas en Ukraine, il envahira le reste de l'Europe et peut-être même le Canada. Ces personnes m'accusent d'être un Neville Chamberlain contemporain, lui qui pensait naïvement pouvoir apaiser Hitler.
C'est absurde. L'économie russe est à peu près de la même taille que l'économie canadienne. La Russie est à peine capable de garder le contrôle des quelques territoires peuplés principalement de russophones qu'elle a conquis. Elle n'a absolument pas la capacité d'envahir et d'occuper les pays de l'OTAN, et son armée serait rapidement détruite si elle essayait.
Défendons-nous la démocratie? Pas vraiment. L'Ukraine est un pays instable et loin d'être un modèle de démocratie. Il y a eu un coup d'État en 2014 qui a évincé un président pro-russe. Zelensky a interdit tous les partis d'opposition pro-russes au début de cette année.
Certaines personnes m'ont dit que je devrais soutenir activement l'Ukraine parce qu'il y a 1,4 million de Canadiens d'origine ukrainienne. C’est un argument qui n’a aucun sens! Il y a des Canadiens de toutes les origines ethniques. Est-ce que ça signifie que nous devrions nous impliquer dans chaque conflit dans le monde et soutenir le côté qui a la plus grande représentation parmi les groupes ethniques au Canada?
La politique étrangère du Canada devrait être fondée sur les intérêts nationaux du Canada, et non sur la loyauté de certains Canadiens envers le pays d’où eux ou leurs ancêtres sont originaires.
Alors, comment en sommes-nous arrivés là? Comment sommes-nous devenus impliqués dans cette guerre contre la Russie?
Le premier ministre Justin Trudeau et son gouvernement libéral minoritaire, sans aucune dissidence des bancs de l'opposition, ont accusé la Russie d'être l'agresseur pour avoir envahi l'Ukraine le 24 février. Ils ont fait de la Russie un ennemi du Canada malgré les nombreuses preuves apportées par des observateurs indépendants aux États-Unis et en Europe, selon lesquelles Moscou n'est pas le seul responsable du déclenchement de cette guerre.
Cette attitude est imprudente, irresponsable et a miné la réputation de longue date du Canada en tant que moyenne puissance en faveur du rétablissement et du maintien de la paix sur la scène internationale.
Le rétablissement de la paix exige que l'on tienne compte des préoccupations, des menaces et des intérêts réels en matière de sécurité des parties en conflit, sans préjugé et sans diaboliser un côté tout en soutenant l'autre.
Prenons un moment pour examiner cette question du point de vue de la Russie. Tout d'abord, je tiens à préciser que je n'ai aucune sympathie pour Vladimir Poutine. C'est un tyran brutal, qui a emprisonné et très probablement tué certains de ses opposants politiques, et censuré les médias de son pays. Ses valeurs ne sont pas les miennes. Mais cela ne signifie pas qu'il est fou et que ses arguments doivent être entièrement rejetés.
Selon lui, l'invasion de l'Ukraine par la Russie, ou « l'opération militaire spéciale » comme il l'appelle, est une réponse à la dégradation de la situation sécuritaire de la Russie. Celle-ci résulte de l'expansion de l'OTAN vers l'est et du fait que les troupes et les missiles de l'OTAN se rapprochent de plus en plus de la frontière russe.
Cette expansion vers l'est a été décrite comme une menace existentielle pour la Fédération russe à de nombreuses reprises, comme lors de la conférence sur la sécurité de Munich en 2007, lorsque le président Poutine a fait part de son inquiétude au monde occidental.
Permettez-moi de citer les mots de George Kennan, qui nous a mis en garde contre l'expansion de l'OTAN.
Kennan était un diplomate, un historien, et il a été ambassadeur des États-Unis à Moscou pendant l'ère soviétique. Il est également le père de la politique d'endiguement adoptée par l'Occident à l'égard de l'Union soviétique pendant la Guerre froide.
En réponse au vote du Sénat américain en mai 1998 approuvant l'expansion de l'OTAN vers l'est après la fin de la guerre froide et l'effondrement de l'Union soviétique, Kennan a déclaré ceci :
« Je pense que c'est le début d'une nouvelle guerre froide... c'est une erreur tragique. Personne ne menaçait personne d'autre. J'ai été particulièrement gêné par les références à la Russie en tant que pays qui n’attend que d’attaquer l'Europe occidentale. Les gens ne comprennent-ils pas? Nos différences durant la Guerre froide étaient avec le régime communiste soviétique. Et maintenant, nous tournons le dos à ceux-là mêmes qui ont organisé la plus grande révolution sans effusion de sang de l'histoire pour renverser ce régime soviétique. C’est évident qu’il y aura une réaction négative de la part de la Russie, et [ceux qui soutiennent l'expansion de l'OTAN] diront alors : nous vous avons toujours dit que les Russes étaient comme ça – mais c'est tout simplement faux". (Fin de citation)
C’est ainsi que George Kennan prédisait, il y a près d'un quart de siècle, ce qui pourrait arriver.
Nous savons ce qui s'est passé depuis. En 2014, un coup d'État a eu lieu à Kiev avec le soutien de l'administration Obama qui a chassé du pouvoir un président pro-russe élu. En réponse, la Russie a envahi la péninsule de Crimée, qui, soit dit en passant, n'avait été donnée à l'Ukraine par le gouvernement soviétique qu'en 1954 et était peuplée principalement de Russes.
Depuis lors, des conflits ont également éclaté dans le Donbass, la région orientale de l'Ukraine, également peuplée principalement de russophones.
Il est très difficile d'avoir une description objective de la situation.
Mais j'ai lu que l'Ukraine avait adopté des lois discriminatoires à l'égard des russophones. Que certains de ces Ukrainiens russophones, peut-être encouragés par la Russie, voulaient se séparer de l'Ukraine et rejoindre la Russie. Que des unités militaires ukrainiennes néonazies ont persécuté les russophones, et que la région a été bombardée, faisant de nombreuses victimes.
Selon des observateurs indépendants en Ukraine, comme le colonel Jacques Baud, officier du renseignement militaire suisse, « les bombardements ukrainiens sur le Donbass ont été multipliés par 40 » à la mi-février 2022, tandis que quelque 50 000 soldats ukrainiens à la fin de 2021 étaient déployés dans le sud du pays en vue d'une offensive au printemps.
Je suis sûr que dans un débat entre un expert pro-Ukraine et un expert pro-Russie, nous pourrions ajouter de nombreuses autres raisons de blâmer un côté ou l'autre. Mais ce que je veux dire, c'est que nous n'entendons presque jamais la version russe de l'histoire, puisque tous les gouvernements occidentaux, et presque tous les médias occidentaux, soutiennent explicitement l'Ukraine.
La presse occidentale parle beaucoup des discours de Poutine, lorsqu’il affirme que l'Ukraine n'est pas un vrai pays, que la chute de l'Union soviétique a été un désastre pour la Russie et qu'il veut redonner à la Russie sa gloire d'antan en tant que superpuissance mondiale. Cela fait probablement partie de ses motivations pour attaquer l'Ukraine.
Mais pourquoi n'entendons-nous jamais parler du bombardement du Donbass par l'Ukraine? Et de la perspective russe selon laquelle ils devaient aider les russophones dans cette région? Et de la crainte des Russes d'être encerclés par l'OTAN ?
Sommes-nous absolument sûrs que la Russie est entièrement à blâmer, et que l'Ukraine n'est qu'une victime? Moi en tout cas je ne le suis pas.
Le mois d'octobre dernier a marqué le soixantième anniversaire de la crise des missiles de Cuba, qui a amené les États-Unis et l'ancienne Union soviétique au bord d'une confrontation nucléaire.
Elle a été évitée et une désescalade a suivi parce que les dirigeants des deux pays, le président Kennedy et le premier ministre Kroutchev, ont reconnu le lourd fardeau qui leur était imposé à l'ère nucléaire.
Ils ont compris que la guerre entre puissances nucléaires est une folie, qu'il ne peut y avoir aucune excuse pour une « guerre juste » à l'ère des armes nucléaires.
Aucun président américain, à l'époque ou depuis, n'accepterait une menace pour la sécurité américaine telle que celle que représentaient les missiles à Cuba, et le président Kennedy a été poussé à prendre des mesures pour que ces missiles soient retirés immédiatement.
De même, aucun dirigeant russe n'accepterait ou ne permettrait qu'un pays situé à ses frontières, aussi proche que Cuba ou le Mexique le sont des États-Unis, soit transformé en une plate-forme de l'OTAN pour des armes conventionnelles et nucléaires pointées sur la Russie.
Comment se fait-il que notre responsabilité première et la plus urgente pour assurer la paix à l'ère nucléaire ait été mise de côté, et qu'au lieu de cela, nous soyons témoins de l'imprudence avec laquelle l'Occident a fait monter les enchères en Ukraine en ne tenant pas compte des avertissements de Moscou?
L'Occident a délibérément ignoré la ligne rouge de la Russie, comme l'ancienne Union soviétique l'a fait en ignorant la ligne rouge américaine en installant des missiles à Cuba.
Dans les années 1990, il a été question que la Russie devienne un jour membre de l'OTAN. Le président Poutine lui-même n'a pas exclu cette possibilité en 2000.
Mais au lieu d'écouter l'autre partie et de prendre des mesures pour rassurer les Russes, nous avons tout gâché et fait d'eux des ennemis. Et nous les avons poussés dans les bras des Chinois.
Les sanctions financières draconiennes contre la Russie ont également encouragé de nombreux pays émergents du Sud à se méfier encore plus de l'Occident. Le BRICS est une organisation en pleine expansion. Et les pays qui en font partie, dont la Russie, l'Inde et la Chine, travaillent au lancement d'une nouvelle monnaie de réserve mondiale, probablement adossée à l'or, qui les rendra plus indépendants financièrement des États-Unis et de leur dollar.
Ces pays représentent 80 % de la population mondiale. Lorsque le dollar s'effondrera en tant que monnaie de réserve mondiale, les États-Unis perdront leur statut d'unique superpuissance.
L'Occident n'est pas le monde entier. Au contraire, il est de plus en plus isolé. Nous sommes en train de passer d'un monde unipolaire, dominé par les États-Unis, à un monde multipolaire, avec d'autres puissances émergentes. Soutenir l'Ukraine n'aide pas l'Occident. C'est pousser le reste du monde à former une coalition contre nous.
Nous sommes voisins des États-Unis, nous dépendons entièrement d'eux pour défendre notre continent et nos économies sont étroitement liées. De manière réaliste, nous n'avons pas d'autre choix que d'être dans leur camp. Mais nous n'avons pas besoin de les suivre dans chacune de leurs interventions militaires étrangères irréfléchies.
Permettez-moi de rappeler ici les paroles de Lester Pearson, alors qu'il était secrétaire d'État aux Affaires extérieures dans le gouvernement libéral du premier ministre Louis St-Laurent. Lors de la cérémonie de signature du Traité de l'Atlantique Nord à Washington le 4 avril 1949, il a déclaré :
« Ce traité n'est pas un pacte de guerre, mais un gage de paix et de progrès. »
Le Traité de l'Atlantique Nord, selon le gouvernement canadien lors de la fondation de l'OTAN, a été conçu pour répondre aux défis de sécurité de la Guerre froide dans une Europe divisée à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Mais après la fin de la Guerre froide, le traité a été détourné de son but pour rassembler les membres de l'OTAN, sous le commandement des États-Unis, dans des opération de changements de régime et des guerres dans les Balkans, en Serbie à propos du Kosovo, en Irak, en Libye et en Syrie, en Géorgie et en Ukraine.
Les gouvernements canadiens, tant sous la direction de premiers ministres libéraux que conservateurs, ont toutefois démontré à l'occasion leur réticence ou leur opposition à se joindre à de telles coalitions lorsqu'il n'était pas clair si les missions proposées étaient fondées sur les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies et, par conséquent, légales en vertu du droit international.
Le premier ministre Jean Chrétien a rejeté la participation du Canada à la guerre en Irak en 2003, parce que le Conseil de sécurité n'avait pas autorisé le recours à la force militaire contre l'Irak.
De même, les premiers ministres Pearson et Pierre Trudeau n'ont jamais envisagé d'apporter un soutien militaire aux États-Unis dans la guerre du Vietnam, au plus fort de la Guerre froide.
Le leadership canadien a contribué à désamorcer la crise de Suez dans les années 1950, au lieu de jeter de l'huile sur le feu comme le fait le gouvernement canadien dans la crise actuelle en Ukraine.
À la fin de la guerre froide, le premier ministre Brian Mulroney a retiré entièrement la présence militaire du Canada en Europe. Le 10 juillet 1993, le dernier groupe de personnel des Forces armées canadiennes a quitté l'Europe.
Il est évident que le gouvernement actuel à Ottawa et tous les membres de notre Parlement ont oublié notre histoire et notre tradition de rétablissement et de maintien de la paix pendant la Guerre froide et après.
Dès le début de la guerre en Ukraine, notre rôle aurait dû être celui d'un artisan de la paix. Nous aurions dû rester fidèles à notre tradition de rétablissement de la paix et contribuer à la désescalade du conflit, même avec le peu d'influence que nous avons, au lieu de contribuer à alimenter la guerre et d'être en partie responsables de dizaines de milliers de morts.
Il n'est pas trop tard pour changer de cap si davantage de Canadiens comprennent ce qui est en jeu. Mais il y a du travail à faire pour que les Canadiens comprennent! Au Canada aujourd'hui, il n’y a pas beaucoup de place pour les points de vue différents dans le débat politique. Les médias traditionnels diffament et discréditent toute personne qui offre une perspective dissidente par rapport au récit dominant. Il n'y a pas d'opposition au Parlement.
Mais il y a des journalistes indépendants avec une voix différente. Il y a le Parti populaire du Canada, moi-même et nos candidats à travers le pays. Nous sommes prêts à présenter l'autre côté de la médaille. Partager et débattre des idées que l'establishment a jugé interdites. Nous ne serons pas réduits au silence. Nous n'aurons jamais peur de défendre des idées fondées sur le gros bon sens au nom des Canadiens.
Merci. Restez forts et libres.